À l'aube d'un défi

Assis à poireauter pendant que l’infirmière s’occupaient de mes Pokémons, je remarquais que tout au long de mon aventure, je n’avais pas fait preuve d’assez de compassion envers les créatures sauvages que je rencontrais. Je me décevais ici et maintenant, beaucoup trop tard selon moi. Ai-je échoué? Ai-je véritablement compris ce que mes parents m’ont inculqués comme valeur? Peut-être mon arrogance était de trop dans ce monde, mais c’est ce qui faisait ma personnalité d’un autre côté. Toutefois, tous grands maîtres Pokémon devaient un jour comprendre leurs erreurs et les corriger.  La lumière qui caractérisait l’attente dans la clinique s’éteignit et une jeune femme se mit devant mes yeux. Elle me redonna gentiment mes Pokéballs  et me précisa de faire plus attention la prochaine fois. Rien pour me motiver!  Je les accrochai à ma ceinture, ajusta ma cravate, pris mon sac et m’apprêta à quitter le Centre Pokémon lorsque soudainement une dame m’interpela :

«Comment vont tes Pokémons, jeune homme?

-Bien...mais qui êtes-vous au juste?

-Je suis Louise, championne de l’arène de Korella et toi, quel est ton nom?

-Arion Soultaker, madame, futur champion de la ligue Pokémon d’Ammaï!

-Je vois, tu es un dresseur n’est-ce pas et avec de l’ambition en plus! Il ne faut toutefois pas que tu négliges tes Pokémons, sinon tu n’auras jamais l’étoffe d’un champion! Tu dois être nouveau en ville n’est-ce pas? Alors que penses-tu d’une petite visite guidée, ce n’est pas beaucoup, mais c’est déjà ça.

Ça serait gentil de votre part!»

La jeune demoiselle était charmante et sympathique, même si elle possédait un côté plus moralisateur. Il faisait plein jour à l’extérieur et le climat était agréable. Elle me pointa du doigt le bâtiment qui se dressait directement devant le Centre. Elle m’indiqua que c’était son arène et qu’un peu plus loin derrière, il y avait la Tour Pokémon, un cimetière pour les défunts Pokémons et où les dresseurs allaient se recueillir auprès de leurs anciens amis. Certes triste, mais réel.  Les Pokémons ne sont pas invincibles et immortels, nous devons en prendre soin du mieux que nous le pouvons.  Elle me montra aussi les résidences luxueuses. Là-bas habitaient de riches retraités qui vivaient au fil du vent. Ils se laissaient emporter par la vie et ses plaisirs. Ils possédaient de vieux compagnons avec lesquels ils avaient indubitablement des liens de longues dates. Ce fut les dernières observations de Korella avant que Louise me laisse à moi seul. Elle devait retourner à l’arène et elle me souhaitait une bonne chance contre elle-même. Elle précisa, néanmoins, qu’il me fallait un entraînement vigoureux avant que je puisse la confronter. J’inclinai la tête en signe de gratitude et de compréhension, puis la laissa partir.

Après quelques minutes de marche, je me situais hors de la ville. Du moins, j’étais sur un terrain vague non loin de Korella. J’allais débuter mon entraînement pour que mon Kraknoix apprenne Séisme. Sortant Ace de sa Pokéball, je lui expliquai délicatement le programme de l’après-midi. Hochant la tête, je mis la CT 26 dans le Pokématos pour qu’on puisse expliquer à Ace comment faire pour exécuter la technique. L’entraînement fut ardu, puisque Ace à chaque tentative échouait. Était-il apte à apprendre cette technique? Pourtant le Pokédex indiquait que oui! Je changeai promptement de stratégie, ne voulant pas m’attarder sur l’essai et l’erreur. J’appelai Ecrapince au combat pour qu’il puisse mettre de la pression sur Ace. Pensant avoir eu tort aux premiers instants, les échanges de coups furent qu’Ace développa peu à peu la technique. Fendant le sol de plus en plus violemment, il tentait du mieux qu’il pouvait de finaliser l’attaque Séisme, sans réussite concluante…

Drainés par l’après-midi, autant mes Pokémons que moi se rendirent au restaurant «apportez vos Pokémons» le plus proche. Nous mangèrent comme des porcs, mais c’était nécessaire pour remplir nos ventres vides. En dégustant mon repas, je comprenais au fil des bouchées l’ampleur de ma tâche afin de devenir champion. Je savais que ce n’était pas facile, mais j’ignorais que c’était si difficile et je n’avais vu qu’une petite parcelle de mon aventure. Finissant la nourriture,  nous quittèrent pour le terrain vague. Mon portefeuille se faisait léger ces temps-ci et je devais faire plus attention à mes Pokédollars. Bref, pour compenser, j’allais camper sur le terrain d’entraînement ce soir. Installer l’abri fut rapide et j’ai eu le temps de ramasser quelques branches et brindilles pour faire un beau feu. Ça allait nous éclairer et nous réchauffer pour un bon moment. Souhaitant bonne nuit à tous mes compagnons dans leur Pokéball, je fermai progressivement les yeux. Je ne me souviens pas vraiment de la soirée ni de la nuit, mais c’est au matin que je sursautai comme jamais. Un Pokémon est à deux centimètres à peine de mon visage. Brusque et saccadé, je bondis d’un trait et me reculai de quelques mètres. Le Pokémon, toujours curieux et amusé par mon comportement irrégulier, se gratta la tête et souriait. C’était une façon de dire : Pardonnez-moi de vous avoir dérangé!

Un Pikachu et un Nodulithe s’amusaient à mes côtés. J’avais beau m’enfuir dans mes songes, ceux-ci me réveillaient à chaque fois. Deux petites boules d’énergie ambulantes! J’étais bien content de voir que malgré mes échecs et mes questions existentielles, il y avait un monde heureux aux alentours. Ça me soulageait de constater que quelqu’un pouvait toujours me remonter le moral, même des inconnus! La souris électrique s’approcha de moi et de son bruit caractéristique, éprouva, selon son regard, de la  compassion. Surpris et en même temps enchanté, je lui souris et il me retourna la grimace. Une envie soudaine de le capturer jaillit en moi, mais je me contins en voyant un vieil homme se joindre à la réunion improvisée. Capturer des Pokémons c’est bien, sauf qu’il y a des limites. Je crois qu’il faut un consentement mutuel entre le Pokémon d’une façon ou d’une autre. Autant par le duel que par un lien qui se forme peu à peu entre le dompteur et le dompté. Contrairement à ce que je croyais, le vieil homme n’était pas nouveau à l’un des deux Pokémons présents. Le Nodulithe appartenait à cet homme et celui-ci se retourna vers moi lorsqu’il prit son Pokémon dans ses bras :

«Bonjour, je me nomme Keith et je tenais à vous remercier d’avoir ralentis mon Nodulithe grâce à votre sympathique Pikachu. D’ailleurs, j’aimerais vous inviter à mon dojo, puisque vous semblez être un dresseur Pokémon et que vous m’avez rendu un grand service! Si ça ne vous déranger pas bien sûr…

-D’accord, pourquoi pas? Ah oui, j’oubliai! Mon nom est Arion Soultaker.

-Enchanté, Arion! Suis-moi s’il te plaît. Puis-je te tutoyer maintenant que nous nous sommes présenté l’un et l’autre?

-Bien sûr, ça ne me dérange pas.»


Je le suivis jusqu’à destination et je ne fus pas déçu, loin de là! En effet, cet homme demeurait dans un manoir et je dois dire que je n’en avais jamais vu un qui était, disons-le, banal. La demeure n’était pas le stéréotype effroyable qu’on lui donnait. De type romain, la bâtisse était élégante et représentait plus la bourgeoisie que l’horreur. Pénétrant dans l’antre de la richesse, je fus aveuglé instantanément. Beaucoup trop éclairé ou plutôt dire, trop blanche, l’intérieur de la résidence me détruisit la rétine. Bien sûr, c’est une métaphore, elle m’avait éblouit simplement pour quelques secondes! C’est la seconde partie du manoir qui était plus intéressant puisque c’était un dojo. Passant de richesse à la normalité voire à la pauvreté, l’habitation n’en restait pas moins épatante! Pikachu, de son côté, avait grimpé sur mon épaule pour mieux voir aux alentours. Il était vrai que les nombreuses cascades et roches bloquaient inévitablement la vue d’un Pokémon de cette taille. Des Pokémons de tous les types étaient présents dans la salle. Pour la plupart, ils s’entraînaient durement, mais amicalement. Keith me présenta brièvement les lieux et s’attaqua à la raison principale de ma venue :

«Arion Soultaker, je suis un ancien dresseur Pokémon moi-même et j’ai pu remarquer ta déception. Depuis  que je suis partie à l’aventure, il y a 45 ans, lorsque j’avais mes 10 ans, j’étais très naïf et trop sûr de moi-même. Je crois que tu l’es aussi, puisque j’ai très bien connu ton père. Tu sais…ce n’est pas un hasard que nous nous sommes rencontrés dans le parc. Il y avait une raison précise pour ça et je vais te la donner à l’instant même : Je ne veux pas que tu abandonnes tes rêves comme ton père l’a fait!

-Mais que dites-vous et qui êtes-vous véritablement? Comment connaissez-vous mon père, où l’avez-vous rencontré et quand? De plus, mon père n’a jamais abandonné ses buts!

-Qui suis-je? Keith Shrine! Ton père, je l’ai connu lorsque j’avais environ 16 ans et à cette époque, lorsque ton paternel était un simple dresseur, j’étais dans l’élite. J’enseignai à ton père tout ce que je savais sur les Pokémons et les combats. Ce qui était ironique, c’est que ton père était à son dernier badge, ici-même, à Korella. Il était un jeune garçon avec une volonté de fer et ça se voyait dans ses yeux. Pourtant, lors d’une défaite cuisante contre le champion de l’époque, qui le ridiculisa scrupuleusement avec un style de combat très combatif voire trop agressif selon moi, il lâcha prise à ses rêves. Il se convainquit lui-même qu’il n’était pas fait pour cette vie et pourtant, lorsque je l’ai recueilli et que je lui ai inculqué mes valeurs, jamais je ne croyais qu’il allait abandonner de la sorte. Il n’était pas ce genre d’homme, il n’était plus le John que j’avais connu! Hélas, je n’ai pas pu le convaincre de revenir à la raison et d’accepter cette humiliante défaite. Peut-être par orgueil ou par dégoût, il décida de se retirer du domaine. Il poursuivit ses études afin de devenir l’homme que tu connais aujourd’hui. Certes, il a toujours été brillant, mais j’ai toujours cru qu’il allait devenait plus. Il avait tant de potentiel, autant que tu en as en ce moment. C’est dans votre sang à vous, les Soultaker! Alors Arion, je souhaiterais te recommander à quelqu’un de particulier pour qu’il fasse ce que j’ai essayé de faire avec ton père : pousser ton potentiel au maximum! Il se nomme Akio Shyuu et il est un champion d’arène très doué. Alors, s’il te plaît, accepte son aide pour devenir le maître Pokémon que tu désires être…

-Je…je ne savais pas tout cela. Vous m’étonnez grandement avec vos propos! Tout ce temps, j’ignorais que mon père avait été un lâche…

-Tu sais Arion, certaines fois il faut mieux oublier nos défaites et avancer de l’avant. Je crois que c’est ce qu’a fait ton père, de la mauvaise façon cependant!

-Cet homme, Akio Shyuu, peut-il réellement m’aider?

-Oh que oui Arion! Oh que oui! Tiens, je te donne son numéro de Pokématos et par ce fait même, je vais le contacter demain pour qu’il puisse venir à Korella, te rencontrer. Il est un homme très occupé, mais je suis un de ses excellents contacts. Je pense que ce service que je lui demande ne lui déplaira pas…

-D’accord, merci! Je note son numéro…

-D’ailleurs! Arion je vois que tu t’es fait un nouvel ami en ce Pikachu. J’aimerais te présenter un défi et un ami que je viens tout juste de récupérer dans la nature. Il était blessé, mais il est plus fort que jamais aujourd’hui. Si tu réussis à la vaincre, intégrer ton équipe ne sera pas un problème pour lui!

Ce long dialogue laissa donc place à un duel amical entre mon tout nouveau Pikachu et ce Pokémon bien mystérieux qui se dévoilait devant mes yeux. Remontant mes lunettes et desserrant ma cravate, j'acceptai le défi d'un simple hochement...

Light, mon nouveau compagnon électrique, était prêt à bondir sur son adversaire à tout moment. Néanmoins, en l’envoyant, je savais très bien qu’il avait peu de chance de gagner. Mon Pokédex m’indiqua les attaques que possédait mon Pikachu et selon les informations, j’étais dans une très mauvaise posture. Je ne pouvais pas abandonner, pas maintenant! Mon nom était en jeu et je ne pouvais pas me permettre de perdre sans rien faire. C’était mon premier duel contre un dresseur et je n’allais pas le décevoir! Light en première ligne, je lui indiquai d’utiliser les poutres romaines fragmentées du dojo pour esquiver les attaques du Pokémon adverse. En effet, c’était un Pokémon eau, certes, mais aussi de type sol. Ça enlevait totalement l’avantage du type électrique de Pikachu et je devais altérer ma stratégie initiale. C’est Keith qui lança les hostilités en ordonnant une attaque Queue de fer. Celui-ci bondit dans les airs:

«Light! Saute, maintenant! Riposte avec Rugissement et Mimi-queue!

-Je vois…tu tentes de baisser les capacités de mon Axoloto. De plus, tu utilises la rapidité de Pikachu pour dominer celle d’Axoloto. Certes, tu es bien le fils de ton père. Mais…tu ne pourras pas me vaincre, pas aujourd’hui! Axoloto, revient au sol et utilise Pistolet à O!»

Impuissant, Pikachu, qui était en plein air, se fit écraser au plafond par la puissance du jet d’eau. Tombant brutalement au sol, il se redressa laborieusement sur ses pattes.  Je ne pouvais pas gagner ce combat et c’était évident, même pour un débutant. Ma position désavantageuse de type, l’inexpérience de mon Pikachu, l’absence de symbiose entre lui et moi et le manque de compétences techniques de ma part furent les causes de ma déception. Keith le ressentait et l’utilisa contre moi pour me remotiver. Ça ne fut guère long que je regagnai ce que je possédais il y a de cela quelques minutes, la volonté de combattre. Je dois admettre que Keith était impressionnant comme dresseur. Il n’était pas seulement expérimenté et était un excellent motivateur, mais il était intelligent et selon ses dires, il détenait le pouvoir d’apprivoiser facilement les Pokémons et de les dompter encore plus aisément. Cet homme était un dresseur accompli.

Le duel faisait rage dans le dojo! Pourtant, j’étais sur la défensive et très peu sur l’offensive depuis le tout début du combat. En fait, c’était simple de comprendre que je n’étais pas encore habitué aux attaques de Pikachu. Or, hormis l’attaque Éclair qui était puissante, mais inefficace sur Axoloto, Light savait utiliser Torgnoles. La dernière fois que j’ai vu un Pokémon utiliser cette technique, ça a envoyé valser mon Kraknoix. C’était mon unique chance d’en finir une fois pour toute. Ayant finalement réussit Rugissement et Mimi-queue, Light était à l’affut que je voulais qu’il utilise Torgnoles. Le problème, c’était de préciser à quel moment. Axoloto est un Pokémon versatile et donc, malgré une vitesse qui laisse à désirer, son agilité lui permettait d’éviter plusieurs attaques sans trop de difficultés. Heureusement pour moi, un saut malhabile d’Axoloto sur une poutre permit à mon Pikachu de le plaquer au sol et de le gifler violemment à plusieurs reprises. Ma souris électrique avait lui-même comprit que c’était le bon moment d’attaquer! Nonobstant ça, Axoloto, visiblement contrarié, coupla Pistolet à l’O pour faire catapulter mon Pokémon dans les airs et Queue de fer, pour l’assommer définitivement. Une fin abrupte et inattendue! C’était la fin du duel et le Pokémon aquatique remporta gracieusement en me saluant de façon théâtrale :

«Tu as les habilités, mais tu dois t’entraîner psychologiquement et bien dresser tes Pokémons si tu souhaites atteindre ton plein potentiel. Aujourd’hui, tu as perdu, mais demain tu vaincras si tu comprends tes erreurs. Tiens, voici de l’argent, tu pourras aller dormir en ville ce soir et te payer un bon restaurant demain matin. Pour le moment, dors sur ces mots, nous nous verrons demain. Je t’atteindrai au restaurant : La Pokégaufre. D’ailleurs, je vois qu’Axoloto semble bien apprécier ta combativité. Je crois qu’il te sera très utile lors de ton aventure et que vous développerez un bon lien ensemble. Vas, Axoloto…»

Le Pokémon marécage regarda son maître et avec son approbation, il vint à mes côtés. Je lui tendis une Pokéball et il appuya lui-même sur le bouton central pour entrer à l’intérieur de celle-ci. J’avais un nouveau compagnon pour m’accompagner dans mon épopée! Remerciant Keith et lui souhaitant une bonne nuit, j’allai à l’auberge la plus proche. À peine avais-je faire cinq minutes de marche que j’arrivai face à face avec une d’entre elles. Réservant une chambre et déposant mes affaires dans le petit logement, je m’endormis solidement. La nuit n’allait pas être longue…