La petite chaumière

Je m’avance dans la neige, grelotant, courant de plus en plus vite pour trouver un refuge. Je sais qu’à l’intérieur de sa balle, l’oiseau est blessé. Des milliers de choses peuvent se produire, et tout cela m’inquiète. Je deviens paranoïaque : une infection à l’aile, une amputation de la patte, une hémorragie interne. Toutes ces effroyables idées me font perdre mon sourire. Mangriff tente de marcher à côté de moi, mais sa fourrure est couverte de de neige. De petits nœuds se créent, laissant de grosses boules se former et emmêler ses poils. Il ressemble à un bonhomme de neige en construction, une amusante création de la nature qui aurait pu me rendre le sourire aux lèvres dans d’autres circonstances.

Puis soudain, la tempête s’intensifie. La neige tombe de plus en plus vite, de plus en plus violement. Elle recouvre le paysage jusqu’à m’empêcher de voir ce qui se trouve à plus de deux mètres devant moi. Je m’inquiète un peu, mais continue d’avancer. Il ne faut pas que je lâche le bout…

« - Aïe ! »

Je viens de me cogner contre quelque chose. Un bruit sourd à côté de moi m’indique que Mangriff a fait de même. On a heurté quelque chose de solide, de plus grand que moi – puisque c’est ma tête qui a pris cher. Un rocher ou… un mur ! Je crie, soulagé. Le son d’une porte qui s’ouvre parvient à me oreilles. Mangriff et moi nous précipitons vers la dame, cheveux châtains, courts, la quarantaine, qui vient d’ouvrir sa maison. Elle nous indique d’un geste de la main d’y pénétrer et nous ne nous faisons pas prier. Enfin au chaud.

Un bon feu de cheminé brûle, des morceaux de bois consumés par la braise s’évaporent dans les airs sous forme de fumée noire. Je sens la bonne odeur du chocolat chaud, apparemment ce monde a quand même quelques bons points du mien. La femme n’habite pas seule ici, il y a aussi deux enfants, un petit garçon qui lui ressemble beaucoup et une petite fille, sûrement plus jeune que le garçon, aux traits très enfantins et aux grands yeux marron clair. Je leur souris maladroitement, mais à peine ai-je posé un pied sur le plancher de bois qu’un cri retentit.

« - Pas les bottes sur le plancher ! »

La petite fille s’avance vers moi, les sourcils légèrement froncés pour imiter une expression de colère. Cela ne fonctionne pas réellement mais je comprends le message et enlève mes chaussures. Rapidement, j’explique la situation à la mère des deux enfants – en tout cas, c’est ce qu’elle paraît être. Elle m’indique que le Centre Pokemon le plus proche se trouve à Frimapic, mais qu’avec la tempête de neige c’est impossible de le joindre dans des délais raisonnables… et vivant.

A peine a-t-elle évoqué cet aspect que déjà elle sort une trousse de secours contenant le nécessaire pour soigner les petites créatures qui m’accompagnent. Pas seulement elle, mais tous les habitants de la petite chaumière s’agitent et je me laisse guidé par les enfants. Tous mes amis sont sortis et une créature, une boule rose qui doit m’arriver un peu en dessous de la taille, commence à s’en occuper. Elle leur envoie par moment des signaux vert pomme, ça semble soulager leurs blessures.

Je leur souris, j’ai moins froid… Je ne suis plus… plus du tout fatigué, engourdi. Tout ce dont le froid m’accablait, je le ressens différemment à présent. Mangriff, après être passé entre les pates de la créature rose bonbon vient se lover contre moi. La chaleur m’enivre, je sais que ça ne se fait pas mais j’ai sommeil… et sans aucune raison, sans prévenir, je m’endors.

Il me faut quelques minutes pour arriver à distinguer quelques choses, je suis plongé dans le noir, Mangriff toujours lové à mes côtés. Après lui avoir passé une main sur la tête, je me décide à me lever. La lumière s’allume, je remarque que le petit garçon s’est levé. Il s’avance vers moi et m’indique d’un geste timide les aliments sur la table. Cela me met de bonne humeur, enfin un vrai petit-déjeuner. Zigzaton et Nirondelle sont tous les deux dans un coin, l’oiseau de fer quant à lui reposait avec quelques bandages mais rien de grave grâce aux soins.

« - Maman dit que tu pourras reprendre la route demain, Monsieur. »

« - Oh… Merci, mais je m’appelle Aron, et toi, p’tit mec ? »

« - Je m’appelle Niclaus, j’habite ici avec ma maman et ma sœur, et notre amie Leveinard ! »

« - Leveinard c’est le… Pokemon ? »

« - Ouais, et elle est trop sympa ! Elle est toujours gentille avec nous, c’est notre meilleure amie ! Avant, ma maman elle travaillait dans un hôpital, mais quand papa est parti, on est venu vivre ici. Maman, elle dit qu’on devra aller vivre ailleurs quand on devra aller à l’école. »

Le petit garçon va s’asseoir à table et commence à se sentir à l’aise. Je lui beurre une tartine qu’il empiffre avec une voracité étonnante. Il continue à me raconter des anecdotes amusantes sur sa sœur et sur leur Leveinard. Sa sœur s’appelle Trudie, elle semble être moins rêveuse que son grand-frère. Quand leur mère arrive dans la salle principale – il y a quatre pièces, trois chambres en plus de la salle – elle m’adresse un regard reconnaissant. La journée s’écoule, Trudie nous rejoins. Nous rions, parlons, nous nous étonnons et nous amusons ensemble. J’ai l’impression que cette vie remplie de chaleur humaine est faite pour moi. Mais rien à faire, je sais que je dois continuer ma route.

Alors que le lendemain arrive, Trudie me rejoint pour me donner un baiser d’adieu sur la joue tandis que Niclaus m’offre un petit cheval de bois. Je le mets dans ma sacoche, le cadeau me fait plaisir. Leur mère m’accompagne jusqu’au sentier le plus proche, la tempête est tombée rapidement et je peux voir qu’un chemin a été balisé pour rejoindre Frimapic. Elle me remercie d’avoir apporté un peu de gaieté dans sa chaumière. Je la remercie moi aussi, pour tout ce qu’elle a fait pour mes amis et moi.


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